Aux jours de sa vieille détresse Elle avait, la pauvre négresse, Gardé cet oiseau d'allégresse. Ils habitaient, au coin hideux, Un de ces réduits hasardeux, Un faubourg lointain, tous les deux. Lui, comme jadis à la foire, Il jacassait les jours de gloire Perché sur son épaule noire. La vieille écoutait follement, Croyant que par l'oiseau charmant Causait l'âme de son amant. Car le poète chimérique, Avec une verve ironique À la crédule enfant d'Afrique Avait conté qu'il s'en irait, À son trépas, vivre en secret Chez l'âme de son perroquet. C'est pourquoi la vieille au front chauve, À l'heure où la clarté se sauve, Interrogeait l'oiseau, l'œil fauve. Mais lui riait, criant toujours, Du matin au soir tous les jours : “Ha ! Ha ! Ha ! Gula, mes amours !” Elle en mourut dans un cri rauque, Croyant que sous le soliloque Inconscient du bavard glauque, L'amant défunt voulait, moqueur, Railler l'amour de son vieux cœur. Elle en mourut dans la rancœur. L'oiseau pleura ses funérailles, Puis se fit un nid de pierrailles En des ruines de murailles. Mais il devint comme hanté ; Et quand la nuit avait chanté Au clair du ciel diamanté, On eût dit, à voir sa détresse, Qu'en lui pleurait, dans sa tendresse, L'âme de la pauvre négresse. |
POÈME DE ÉMILE NELLIGAN MUSIQUE DE MICHEL AGNERAY |